Nos commerçants en danger: 5 propositions pour changer leur avenir
Forte baisse de chiffre d’affaires, stationnement et circulation compliqués, offre insuffisamment diversifiée ou peu attractive dans certains secteurs, image carrément dégradée pour d’autres (centre d’Aumard), concurrence accrue d’Internet mais aussi de la structuration de l’offre dans tout le pays de Gex: à Ferney, le commerce de proximité souffre.
Ajoutons un laxisme communal dans le suivi des renouvellements d’enseignes. Jadis, la commission urbanisme examinait les projets de devantures afin de garantir esthétique, cohérence et respect des règles, gages de qualité visuelle et donc d’attrait. Ce n’est plus le cas, malgré mes remarques.
Les travaux du réseau de chaleur, qui dureront encore de longs mois, n’arrangent rien pour des commerçants déjà fragilisés : beaucoup n’ont pas reconstitué leur trésorerie ni apuré les dettes contractées lors du Covid.
Pour ne pas perdre nos boutiques et en accueillir d’autres, il faut offrir des perspectives à ceux qui font vivre la ville : les accompagner et les associer réellement aux projets communaux.
Nos commerçants doivent pouvoir compter sur une municipalité consciente qu’ils sont un atout, qui propose et met en œuvre des mesures concrètes. Le sort des enseignes ne se règle pas d’une tape dans le dos et d’une coupe de champagne lors de trop rares rencontres certes bienveillantes… il requiert un travail de fond.
Pour rédiger cette tribune et faire ces propositions, j’ai évidemment discuté avec nos commerçants du Centre du Levant, du Centre d’Aumard, de l’Avenue Voltaire, du centre-ville, de Bois-Candide… et pour ceux qui subsistent à la Poterie.
À quoi sert le commerce de proximité?
Le commerce est le poumon de la ville : il attire habitants, Gessiens et Genevois de passage, met en lumière nos savoir-faire et fournit des emplois non délocalisables. Chaque euro dépensé dans un commerce ferneysien circule plusieurs fois – entre artisans, fournisseurs, finance locale – créant un véritable multiplicateur économique.
En vitrine la nuit, en terrasse le jour, les boutiques sécurisent l’espace public, invitent à la flânerie piétonne et réduisent la dépendance automobile. Leur trame rythme les façades, colore les rues et incarne l’identité des quartiers. Et quand l’offre est dense et diversifiée, « le commerce attire le commerce » : la variété des enseignes prolonge le temps de visite, capte de nouveaux flux et dope la rentabilité de chacun.
Au-delà des achats, événements, marchés et animations tissent un lien social précieux : rencontres inter-générationnelles, entraide de voisinage, fierté d’appartenance. Ce modèle reste toutefois fragilisé par l’essor du e-commerce et la hausse des coûts immobiliers ; négliger son tissu commercial, c’est exposer la ville au vide urbain, à l’insécurité perçue et à la perte de recettes fiscales.
Soutenir et développer les commerces, c’est donc bâtir une ville attractive, résiliente et durable. Limiter les opportunités de création de commerces revient à fermer la porte à l’innovation, à l’emploi et à la vitalité même de Ferney-Voltaire ; une ville ne respire jamais trop!
Au delà du constat, des propositions
À Ferney, on fait souvent des constats… on apporte rarement des réponses… Je siège depuis 10 ans à la commission Urbanisme, il a fallu plusieurs années pour que le maire et nos services entendent la voix que je coportais (avec Khadija Unal et Etienne t’kint de Roodenbeke notamment) sur le besoin de création de rez commerciaux dans les promotions.
Ceci pour poursuivre 2 buts: assurer une continuité commerciale dans une ville où les commerces sont disséminés en 4/5 secteurs (si l’on distingue Aumard et Brévent du centre ville) et offrir de nouvelles opportunités d’installations à des entrepreneurs.
Je porte aussi, sans avoir réussi à convaincre le maire d’agir, la volonté de reconquérir les commerces non repris ou pire… convertis en logement sans déclaration! Je n’accepte pas le constat et le laisser-faire sur ce sujet.
Si le « logiciel » a évolué en interne, il n’est pas simple ensuite de convaincre les promoteurs, les documents d’urbanisme actuels (PLUIH 2020) n’étant pas contraignants. Si les Orientations d’Aménagements Programmés (OAP) que la ville a (depuis) fait adopter, chaque projet est un combat. Ensuite… il faut aussi convaincre le promoteur de construire des locaux « exploitables »… En effet, fréquemment, les surfaces proposées sont insuffisantes, les lieux de stockage sont oubliés et le besoin de parking destiné aux commerçants, aux clients et au livreur… nié. Pour Ferney, sur ce sujet (comme pour le reste), le prochain PLUIH devra réellement prendre en compte ces besoins. Dans ce but, j’assiste aux réunions préparatoires à Pays de Gex Agglo.
Pour en revenir à nos propositions, c’est la curiosité et l’initiative qui doivent prévaloir. Si un commerçant n’aura pas les moyens de tester sans risque son « business model », la ville doit pouvoir répondre présent. Elle doit surtout envoyer des messages clairs: OUI à Ferney nous souhaitons renforcer, mettre en valeur et diversifier nos commerces. Voici donc quelques pistes qui fonctionnent dans d’autres villes!
1. Rafraîchir les façades, restaurer la fierté
Quand les volets s’écaillent, c’est la confiance qui part en lambeaux : personne n’a envie de pousser une porte rouillée. Les 12 000 habitants de Quimperlé l’ont compris : la ville rembourse 20 % des travaux de devanture, dans la limite de 5 000 € — à condition de respecter une petite charte couleur et matériaux (qu’il conviendrait évidemment de créer à Ferney). Le résultat est probant: photos avant/après qui circulent sur les réseaux, commerces qui reprennent des forces, habitants qui reparlent de leur «centre». Pourquoi ne pas copier l’idée pour Ferney ? Un budget de 50’000€ par an suffit à accompagner une dizaine de cellules… et à rappeler à tous que l’esthétique commerciale n’est pas un luxe, mais une condition de survie. quimperle.bzh
2. Une micro-foncière pour remettre de la vie là où le privé capitule
Quand les loyers flambent ou que les murs restent vides, on sort l’outil foncière. Dans le Maine-et-Loire, la SEM Alter a créé «Anjou Commerces & Centralités» : la société achète des RDC vacants dans des bourgs de 4 000 à 15 000 habitants, les rénove et les reloue à prix capés, avec une clause de diversité. Résultat : pas d’effet d’aubaine, un mix commercial piloté et des indépendants qui osent s’installer. Ferney pourrait monter la même recette — capital de départ 2 M€ avec la Banque des Territoires — pour verrouiller les futurs loyers rue de Versoix, Avenue du Jura, dans la ZAC (rue Condorcet notamment) et à la Poterie (quand un travail aura enfin été conduit sur ce secteur). anjouloireterritoire.fr
3. Tester sans se ruiner : la “boutique à l’essai” façon Ussel
Ouvrir une boutique quand on débute ? Mission impossible sans trésorerie. Ussel (Corrèze, 10 000 hab.) a créé un bail “test” : six mois de loyer pris en charge, six mois à tarif étagé, mentorat CCI et droit de sortir sans pénalité. Taux de pérennisation : plus de 70 %. Ce format pourrait facilement être mis en place chez nous en commençant avec 2 locaux, deux lauréats par an et un message clair : « À Ferney on a le droit d’essayer ». ussel19.fr
4. Des pop-up shops pour « recoudre les morceaux » de ville
Entre deux pôles, rien n’est plus mortel qu’un linéaire vide. Beuzeville (Eure, 4 700 hab.) l’a réglé avec un « pop-up shop » subventionné : local clé en main, loyer à 300 €/mois la première année, rotation tous les douze mois. Effet vitrine, effet curiosité, et surtout un flux piéton qui retrouve du liant. Deux modules éphémères sur l’axe Rue de Meyrin (par exemple ancienne maison Dubouchet, local Alpha3A vide rue de Meyrin) ↔ Rue de Versoix (ancien locaux Apajh à l’angle de la rue de Versoix et l’avenue du Jura feraient exactement la même opération couture à Ferney sans nécessiter de nouvelles constructions. eureennormandie.fr
5. Un manager de centre-ville pour que tout le monde « pagaie » dans le même sens
Nos voisins de Divonne-les-Bains ne se sont pas contentés d’affiches “j’aime mon commerce” : la commune a recruté, via le dispositif Petites Villes de Demain, un manager partagé avec Gex. Vincent Lhuillier traque les cellules disponibles, accompagne les porteurs de projet, synchronise les animations et publie un reporting aux élus. En deux ans : vingt boutiques créées ou reprises et un solde positif malgré la concurrence helvète. Ferney doit missionner un chef d’orchestre pour ses quatre pôles — budget : un salaire et un CRM, retour sur investissement dès la première cellule relouée. Bien évidemment, Gex et Divonne qui sont associés dans le dispositif ont bénéficié de cofinancements de la part de l’état… Prenons nos responsabilités! ledauphine.com.
Ces 5 pistes peuvent assez facilement être mises en place… Comme toujours, il faut de la volonté et du travail !
Et que faire contre la ville déserte du samedi 15h00 au lundi midi?
C’est un constat inscrit dans le temps… Ferney, c’est mort dès la fin du marché du samedi : même les cafés et bars ferment le samedi après-midi désormais. Pour en avoir souvent discuté, c’est pour les cafetiers un moyen de conserver un personnel qui trouverait facilement du travail à Genève… Et puis, comme l’offre se raréfie, l’effet boule de neige a entraîné d’autres fermetures. Trouvons la parade ! J’ai beaucoup creusé la question et nous pouvons nous inspirer d’autres villes qui ont connu pareille difficulté. C’est évidemment à réfléchir en premier lieu avec les commerçants et leur association, mais voici quelques pistes :
- Prolonger le marché jusqu’en soirée en le transformant en marché gourmand animé;
- Etablir un calendrier régulier d’événements (concerts, visites guidées dans ces créneaux, brunchs) en fin de journée le samedi et le dimanche matin à étendre au secteur du Levant qui va entamer sa mutation;
- Accorder une exonération proportionnelle des droits de terrasse aux cafés-restaurants qui restent ouverts le samedi après-midi et le dimanche;
- Lancer un chèque-cadeau “15 € = 20 €” où la Ville ajoute 5 € pour chaque chèque dépensé entre le samedi 15 h et le dimanche midi…
D’autres leviers sont à explorer et mettre en place: en facilitant davantage les mobilités douces, en développant les commerces liées à l’ESS (Economie Sociale et Solidaire): ateliers de réparation(*), seconde main, ou hybride (seconde main et neuf)… Contactez-nous pour nous apporter vos commentaires, remarques ou compléments!
(*) Contre l’avis du maire, début 2022 j’ai permis l’installation à la maison Saint Pierre de l’Atelier Vélo animé par l’association Vélorution. Mon ambition était également de mettre en place dans le coté droit de la façade du même bâtiment un café ephémère (proposant des animations, jeux, petits événements en impliquant les associations de la ville) ne fonctionnant que le week end… Déjà dans l’idée de redonner de la vie au centre-ville le week-end… A suivre 😉